L'énergie éolienne
par Serge Degueil
1. L’Énergie Éolienne
C’
est l’énergie tirée du vent au moyen d’un dispositif spécifique. Pendant des siècles, les moulins à vent ont fourni un travail mécanique utilisé pour faire tourner la meule à moudre le grain, pomper l’eau pour l’irrigation, actionner les scieries etc. Une des utilisations les plus typiques a été l’assèchement des polders hollandais. Maintenant l’énergie éolienne s’oriente plus vers la production d’électricité, ce qui élargit le domaine d’application de ce type d’énergie mais demande une production permanente.
2. Principe de fonctionnement et organisation L’hélice fait tourner un générateur électrique par l’intermédiaire d’un multiplicateur de vitesse. La puissance d’une éolienne est fonction de la surface balayée par l’hélice et de la vitesse du vent. Pour produire le maximum d’énergie, les éoliennes doivent être en permanence face au vent ce qui est réalisé soit par un gouvernail situé à l’arrière, soit par un « servomoteur » commandé par une petite girouette donnant la direction de vent. On distingue deux types d’éoliennes : les petites éoliennes, jusqu’à quelques KW pour l’électrification de sites isolés, et les éoliennes de puissance de plusieurs MW qui sont en général regroupées en batteries et raccordées au réseau électrique. Or une éolienne ne fonctionne que lorsque le vent souffle. Il est actuellement très difficile et excessivement coûteux de stocker l’électricité. |
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Un aérogénérateur ne peut donc être utilisé comme seule source d’énergie. Il faut prévoir une autre source d’énergie qui, pour les éoliennes isolées, est en général un générateur du type groupe électrogène. Les éoliennes de puissance sont en général regroupées dans des parcs d’éoliennes et reliées au réseau électrique. Ceci présente l’avantage de réduire la longueur des connexions et d’assurer une bonne gestion de la puissance d’appoint fournie au réseau. |
3. Performance et disponibilité Les éoliennes modernes commencent à fonctionner avec un vent de l’ordre de 10 km/h en dessous duquel il est difficile d’assurer une bonne régulation. A partir de 40 km/h, la vitesse de rotation est stabilisée pour pouvoir fournir un courant de bonne qualité immédiatement utilisable. C’est particulièrement vrai pour les éoliennes raccordées au réseau qui doivent fournir un courant avec une fréquence constante quelle que soit la vitesse du vent. Ceci est obtenu en régulant la vitesse de rotation grâce à l’orientation des pales. Lorsque les vents atteignent une vitesse de 90 km/h, les pales sont « mises en drapeau » pour éviter la destruction de la machine. En effet, à grande vitesse, le phénomène de précession gyroscopique crée des contraintes pouvant entraîner des dégâts sur les pales et les mécanismes .Afin de récupérer le maximum d’énergie il faut : - avoir la plus grande surface possible balayée par l’hélice. Le diamètre des hélices des machines de puissance est fréquemment compris entre 30 et 60 m ; |
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- situer les machines dans les endroits venteux (bord de mer, sommet de collines, les couloirs venteux pour bénéficier de l’effet venturi) ; la puissance est proportionnelle au cube de la vitesse du vent, - situer les hélices en haut d’un mât de façon à s’affranchir de l’effet de freinage du vent au niveau du sol (plus de 120 m pour les grosses machines). Les sites éoliens intéressants en France sont d’abord la façade ouest des côtes de la Manche et de l’Atlantique soumise aux vents d’ouest forts et dominants, la vallée du Rhône avec le Mistral et le Sud-Ouest de la côte méditerranéenne soumis à la Tramontane. La carte des vents ci-dessous donne la répartition des vents sur l’ensemble du pays. Suivant la loi de Betz, une éolienne ne peut récupérer que 60 % de l’énergie reçue. De plus, si on prend en compte l’irrégularité du vent en intensité et en direction, on peut considérer que le rendement est compris entre 12 et 30 % de l’énergie initiale du vent. L’amélioration de la technologie permet maintenant de construire des aérogénérateurs de plus de 1 MW, le record étant de 6 MW pour la machine E112 de la société Enercon. Organisées en parc éolien, ces machines doivent être espacées d’environ 200 m, aussi la surface utilisée par le MW éolien est très importante par rapport à celle occupée pour toutes les autres énergies, sauf le solaire évidement. |
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4. Problème de l’intermittence de la source d’énergie
On exprime souvent la disponibilité d’une machine en « temps exploitable ». Les sources nombreuses situent ce chiffre entre 18 % et 23 % en France, 18.3 aux USA, 20.6 à 23 % au Danemark et 20 % en Allemagne. L’ADEME affiche une disponibilité de 28 %, ce qui est sans doute très optimiste. En réalité, une machine tourne près de 70 % du temps mais à une puissance inférieure à la puissance maximale, dite puissance installée. Pour simplifier le propos on considèrera que la puissance moyenne globale de l’éolien correspond à 25 % de la puissance installée. Si l’on revient à la notion de « temps exploitable », cela signifie que l’énergie globale fournie correspond à un fonctionnement à pleine puissance pendant ¼ du temps seulement. Autrement dit, sur une année une éolienne fonctionnera l’équivalent de 2 200 h. Pour une puissance installée de 1MW on ne récupèrera donc que 2 200 MWh.
De plus, le vent souffle de façon très intermittente, variable en durée et n’importe quand en heures, jours et saisons. La disponibilité aléatoire de cette énergie est peu compatible avec la disponibilité permanente que l’on exige de l’électricité. Il est donc nécessaire d’avoir un ajustement instantané production/consommation à l’aide de générateurs annexes.
Pour les utilisateurs indépendants ou les petits réseaux autonomes, l’énergie est fournie par la source principale classique qui fonctionnera les ¾ du temps, l’éolienne n’apportant qu’une énergie d’appoint. La régulation est relativement aisée entre les deux sources.
Dans le cas de la connexion à un réseau de puissance, le problème est plus complexe. À chaque instant (fraction de seconde) l’énergie électrique fournie au réseau par les dizaines de générateurs des centrales en service doit être strictement égale à l’énergie, fluctuant en permanence, consommée par des centaines de millions d’appareils, lampes, moteurs etc. L’énergie électrique consommée en France varie dans le rapport 1 à 2 entre les moyennes d’été et d’hiver, dans le rapport 1 à 4 entre minuit au mois d’août et 6 h du soir en décembre. Cela signifie qu’au moment des pointes de consommation, lorsque l’on fait appel à toutes les disponibilités, on ne peut plus compter sur l’énergie éolienne. Il est donc nécessaire de disposer d’une capacité principale d’énergie couvrant l’ensemble de la demande, l’éolien ne venant que comme source d’appoint permettant d’économiser les combustibles fossiles et réduire ainsi les émissions de gaz à effet de serre. Cette production électrique intermittente et aléatoire peut intervenir à des moments où l’on n’en a pas besoin et contrairement à la plupart des autres sources d’énergie l’énergie primaire, le vent n’est pas stockable. Seul le stockage indirect est envisageable.
On peut citer par exemple :
- remonter de l’eau dans des réservoirs comme c’est le cas actuellement avec les centrales électriques de montagne ;
- stocker l’énergie sous forme de gaz comprimé ;
- fabriquer de l’hydrogène par hydrolyse de l’eau ;
- stocker l’énergie sous forme électrochimique.
5. Influence des éoliennes sur l’environnement
Ce problème est un sujet polémique entre les partisans et détracteurs de l’éolien. Nous ne ferons ici que soulever le problème sans traiter le fond. Il touche essentiellement 3 thèmes : l’aspect esthétique et la dégradation du paysage, la santé et le bruit, l’impact sur la faune et les oiseaux.
Il est incontestable qu’à puissance égale, l’emprise au sol de l’éolien est considérable par rapport à la plupart des autres sources d’énergie (50 km² pour une puissance de 1300 MW qui n’est disponible en moyenne que 25 % du temps). Ceci ne rend pas le sol inutilisable sur l’aspect agricole mais le bruit généré peut avoir un impact sur la faune locale avec perte de l’habitat pour certaines espèces. Il est bien sûr souhaitable vis-à-vis de l’homme que les parcs éoliens soient situés loin des habitations. Pour les installations individuelles ou les petites installations locales, elles doivent respecter la législation sur les bruits sans doute plus difficile à appliquer en milieu rural, caractérisé par son calme. Pour la vie aviaire on constate effectivement quelques dégâts. Mais sont-ils plus importants que ceux causés par les lignes électriques ? L’aspect esthétique et la dégradation du paysage sont des problèmes très subjectifs laissés à l’appréciation de chacun. Il est toutefois souhaitable de trouver le meilleur compromis entre les endroits énergétiquement rentables et les zones de moindre intérêt sur le plan du patrimoine.
6. Les nouveaux concepts
Devant le rendement modeste de ce type de machine, les recherches sur l’amélioration des performances se poursuivent. Deux nouveaux concepts semblent être porteurs de progrès : les éoliennes à effet Magnus et les éoliennes carénées développées par la société Stormblade. Le but de ces nouvelles machines est d’élargir la plage de fonctionnement pour tendre vers un rendement de 30 %. On trouvera, si on le souhaite, dans l’encart en grisé ci-dessous, quelques détails sur le fonctionnement et les avantages de ces différentes machines.
L’effet Magnus a été découvert par Heinrich Gustav Magnus (1802-1870), physicien allemand. Ce n’est rien d’autre que l’effet que l’on donne à une balle de tennis ou un ballon de football lors de la frappe. En plaçant un cylindre en rotation dans un flux d'air il se crée une force induite, la portance, perpendiculaire à ce flux. Cette portance est proportionnelle à la vitesse de rotation qu'on impose au cylindre et à celle du vent d’où une maîtrise parfaite de la puissance instantanée pour des vitesses de vent comprises entre de 30 et 100 km/h. Des cylindres en rotation remplacent les pales. Leur vitesse de rotation est de l’ordre de 3000 tours/mn. Ce projet ne s’applique pour le moment qu’aux éoliennes de petite puissance et les avantages demandent à être évalués (système développé par Mekaro Akita Co au Japon et « Projet étudiant » de génie physique financé par EDF et ANVAR).
La « Stormblade turbine » est basée sur le principe de la turbine du moteur à réaction ce qui permet d'augmenter la vitesse de rotation du rotor sans avoir à subir le phénomène de précession gyroscopique et de dépasser ainsi la limite physique de la loi de Beltz. La plage de vitesse des vents utilisables pourra ainsi doubler, de 11km/h à 193km/h, ce qui présente l’avantage d’avoir une production d’électricité plus continue et une puissance maximale plus élevée puisque celle-ci est proportionnelle au cube de la vitesse du vent. Par contre, la puissance produite est aussi proportionnelle à la surface balayée par les pales et globalement la puissance délivrée reste inférieure à celles des éoliennes conventionnelles. L’avantage demeure sa production plus régulière ; les tests sur prototype donnent un rapport d’efficacité voisin de 3 par rapport aux éoliennes à pales.
7. Coût d’une installation et rentabilité
Le prix de revient du kWh éolien est fonction de trois facteurs :
- l’investissement initial ;
- la fiabilité et la durée de vie de l’équipement ;
- fréquence des vents là où se trouve installée l’éolienne.
Actuellement l’investissement initial est de l’ordre de 1000 à 1300 € par kWh installé. Il englobe le coût des études, des matériels, du raccordement, de l’installation, des frais de mise en route, soit plus d’un million d’euros pour l’installation d’un mégawatt. Ce prix ne pourra que baisser avec le développement de cette filière. Les différents constructeurs donnent actuellement une durée de vie de 15 ans avec changement des pales à mi-durée de vie. Pour l’installateur la rentabilité repose sur le prix de vente du kWh. Actuellement le prix de revient du kW éolien est deux fois plus élevé que celui du kW nucléaire et, pour satisfaire aux impératifs européens sur les énergies renouvelables, EDF est dans l’obligation de racheter aux producteurs l’électricité éolienne à des tarifs très avantageux. On trouvera ci-dessous quelques estimations sur la base 2005/2006 :
8. Intérêt et limitation de l’éolien
Le tableau ci-dessous donne la répartition de la production électrique française en 2005 (source RTE).
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Fossiles |
Hydraulique |
Éolien |
Nucléaire |
Total |
TWh(*) |
59 |
56 |
4 |
430 |
549 |
% |
10.7 |
10.2 |
0,7 |
78.3 |
100 |
Pour une capacité totale de 549 TWh, l’objectif de 20 % d’énergie renouvelable correspond à 110 TWh. La production actuellement d’énergie renouvelable étant de 60 TWh, il reste 50 TWh à réaliser, soit 5,7 GWe. Si l’on fait porter cette charge énergétique uniquement à des éoliennes, il faudrait de l’ordre de 23 000 machines de 1 MW pour avoir une production permanente en prenant pour hypothèse qu’elles seront bien réparties sur le territoire. Pour situer le problème, si on disposait une machine tous les 200 m le long de la côte, le parc éolien s’étendrait sur une longueur de 4 600km. Ces quelques valeurs montrent que l’objectif de 20 % d’énergie renouvelable sera difficile à satisfaire, sachant que l’apport du photovoltaïque restera négligeable et que la capacité de l’hydroélectrique est pratiquement saturée.
Ceci dit, le programme éolien pourra avoir un rôle important dans la réduction d’émission des gaz à effet de serre en réduisant les périodes de fonctionnement des centrales à flammes. Celles-ci devront tout de même rester en veille active de façon à être mises rapidement en route en cas de besoin. Lorsqu’il y aura excédent d’électricité, le surplus pourrait servir, par exemple, à la fabrication d’hydrogène par électrolyse de l’eau. Ce gaz, utilisé dans les moteurs thermiques, transports, groupes électrogènes, piles à combustible etc., sera un facteur supplémentaire dans la réduction des gaz à effet de serre. Par contre, le remplacement du nucléaire par l’éolien n’est pas une bonne perspective car les centrales nucléaires ne peuvent être mises en veille active. Ceci nécessitera alors la réalisation d’une puissance quasi équivalente à l’aide de centrales à flammes pour palier l’aspect l’aléatoire du vent.
Comme pour le photovoltaïque, l’énergie éolienne, associée à un groupe électrogène ou une centrale thermique, trouve tout son intérêt dans l’alimentation en électricité des régions isolées et en particulier des îles qui sont en général bien ventées.
(*) 1 TWh = 1 TéraWattheure = 1 Milliard de kWh