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Le lotissement Jardin de Romainville

En 1936, la propriété Duverger située de part de d’autre de la rue de Romainville a été morcelée en parcelles d’une surface d’environ 3000 m² acquises par des propriétaires de l’agglomération bordelaise : pessacais en majorité, mais aussi bordelais, béglais, talençais. Certains propriétaires étaient des pensionnaires du sanatorium de Xavier Arnozan qui venaient se changer les idées en jardinant.

Le cahier des charges approuvé le 7 avril 1942 stipulait qu’il était formellement interdit d’édifier sur les terrains du lotissement des constructions à usage d’habitation, et que restent seuls autorisés les hangars, remises, poulaillers, loges à outils, etc. Cependant, compte tenu de la crise du logement qui a suivi la guerre, ces constructions sommaires de type cabanon sont très rapidement devenues des habitations principales pour certains des occupants.

En septembre 1945, les propriétaires tentaient de se regrouper en une association dont le but était d’améliorer le lotissement de Magonty. Les difficultés administratives pour réunir les documents exigés par la Préfecture étaient telles que cette association n’a jamais vu le jour, malgré plusieurs tentatives. C’est donc le syndicat de quartier de Magonty, créé en 1945, qui a pris le relais pour défendre les intérêts des propriétaires. Pendant de longues années, toutes les démarches effectuées auprès de la Mairie aboutissaient à la même réponse : ce secteur étant situé en zone rurale, il n’est pas possible de donner une suite favorable aux demandes du syndicat de quartier.

Robert Droux, secrétaire général du syndicat de quartier de 1945 à 1973, puis président de 1973 à 1979, a même adressé un courrier au Ministre de la Construction en 1963 et en 1964.

Syndicat du Quartier Magonty                                                                                Pessac , le 7 octobre 1963

Pessac (Gironde)

 

Monsieur le Ministre,

Mandaté par le Bureau du de Défense des Intérêts des habitants du Quartier Magonty, à Pessac, j’ai l'honneur ce porter à votre connaissance la situation existant dans ce quartier en matière de construction, situation ne s’accordant pas avec les discours, et déclarations, que vous avez fait au sujet du logement, et avec lesquels nous sommes pleinement d’accord.

Notre quartier, un hameau de 600 habitants, ayant pour la plus grande partie leurs occupations à Bordeaux, comporte entre autres, la Rue de Romainville, parfaitement entretenue et dotée par la Municipalité de la viabilité à laquelle l’on peut normalement prétendre : voie large, goudronnée» électricité (y compris un éclairage public que beaucoup de petites villes pourraient envier), adduction d’eau, groupe scolaire (200 élèves) à son départ…

Les propriétaires riverains avaient acheté ces parcelles dont la superficie moyenne est de 3000 m² sous la dénomination, à l'époque de terrains-jardins (mais à noter aussi qu’en ce temps-là, avant 1940, c'était un chemin de terre, sans rien de plus).

Au fur et à mesure de la crise au logeaient ces mêmes gens ont construit des habitations, par leurs propres moyens, et dans de bonnes conditions, ce qui fait que 45 maisons bordent cette rue.

Beaucoup d'autres veulent construire, en faisant appel aux Sociétés et Groupements divers et conformément aux lois

d'urbanisme mais chaque fois, et invariablement, le dossier est retourné par les Services Régionaux de la Construction avec avis défavorable : zone rurale, parcelle trop petite, terrain-jardin etc.

Le Maire de Pessac a multiplié ses interventions, nous mêmes, lors du dépôt du plan directeur d'urbanisme avons consignés des observations. Rien n'est possible.

Au moment où vous faites très justement appel pour avoir le maximum de terrains à bâtir, et en taxant même ceux qui n'y souscrivent pas, nous comprenons mal l'illogisme, et l'entêtement de ceux qui, d'un coup de crayon, délimitent le secteur urbain et le secteur rural (voire même, comme c'est le cas pour une autre voie, en faisant moitié-moitié !)

Il y a des zonages qui, à notre avis, dépassent l'entendement, et des règlements, appliqués souvent avec trop ce rigueur, sans tenir compte des réalités, en décourageant les plus persévérants.

Si ces règlements étaient simplifiés, si vos représentants prenaient d'avantage en considération les avis autorisés des Municipalités, bien placées pour connaître le problème, tant du point de vue social qu'économique, alors vous auriez bien plus de logements et atteint, en partie, le but que vous recherchez.

Nous sommes persuadés, Monsieur le Ministre, que si vous étiez sur place, le bon sens l'emporterait.

Nous serions assez raisonnables et raisonnés, pour ne pas peser le problème s'il s'agissait de terrains situés en pleine nature, créant des difficultés de viabilité.

Nous vous demandons donc, Monsieur le Ministre», d'attacher une attention toute particulière à notre requête. de faire en sorte que les restrictions concernant cette voie soient levées, permettant ainsi aux riverains de la rue de Romainville de se considérer comme des citoyens égaux en devoirs et en droits.

Avec cet espoir veuillez agréer, Monsieur le Ministre, mes très respectueuses salutations.

Pour le Bureau et p.o.                

Le Secrétaire Général             

R. DROUX                        

Après une relance envoyé par Robert Droux le 21 janvier 1964, la réponse du Ministre a été la suivante :

Le Ministre de la Construction à Monsieur DROUX                                                        Paris, le 27 février 1964

 

Au nom du Syndicat de défense des habitants du quartier Magonty à PESSAC, vous avez bien voulu appeler mon attention sur la situation dans ce quartier en matière de construction.

Votre requête a fait l'objet d'un examen très attentif; malheureusement il en ressort qu'il n'est pas possible de vous donner satisfaction.

En effet, en règle générale, dans le département de la Gironde, une surface minimum de 5.000 m² est exigée pour toutes les constructions d'habitation et mes Services s'efforcent d'appliquer cette réglementation non seulement dans les communes tenues d'avoir un plan d'urbanisme mais aussi dans les autres localités. Saisis de cette affaire par le Préfet de la Gironde, mes Services lui ont fait connaître notre point de vue en indiquant combien il nous semblait utile de protéger les zones rurales et d'éviter la création de zones invertébrées où s'édifient dans le désordre les constructions les plus disparates d'abord isolées, puis en chapelet.

suivante

Le problème de PESSAC se présente de la façon :

- la commune fait partie du groupement d'urbanisme de l'agglomération bordelaise dont le plan d'urbanisme directeur a été publié le 8 Septembre 1961,

- un plan communal avait été étudié; il doit être repris et mis au point pour tenir compte, d'une part, de l'évolution démographique et des décisions prises dans le cadre du Groupement d'Urbanisme et, d'autre part, des aménagements prévus dans les diverses zones à urbaniser par priorité de l'agglomération en ce qui concerne les habitations.

Ce plan complémentaire ne semble pas susceptible d'apporter de modifications en ce qui concerne la délimitation du périmètre d'agglomération; seules des dispositions intéressant les liaisons inter-quartiers, les réserves pour services publics communaux seront à mettre au point.

Ce périmètre d'agglomération a été du reste très largement délimité. Il englobe plus de 1.500 ha autour de l'agglomération existante pour une population qui, au recensement de 1954, n'atteignait pas 20.000 habitants.

En ce qui concerne le secteur de "Magonty", une agglomération de fait s'est progressivement constituée à la suite de morcellements d'avant-guerre à usage de jardins. C'est volontairement que le plan d'urbanisme directeur du Groupement d'Urbanisme de l'Agglomération Bordelaise publié fait état d'un petit périmètre de fait limité au quartier construit.

En conclusion» il n'est vraiment pas possible de modifier la position prise par mes Services car il faut respecter les dispositions qui figurent au plan directeur du Groupement d'Urbanisme. '

Je vous prie de croire. Monsieur, à mes sentiments distingués.

  • signé : Jacques Maziol

  • Une pétition portant les signatures de 22 propriétaires, dont 12 demeurent chemin de Romainville dans des conditions très précaires, datant du début des années 50, demande l’électrification du chemin de Romainville.

    La ville a procédé à l’adduction d’eau au cours de l’année 1962.

    En février 1970, les 59 propriétaires de la rue de Romainville sont invités à signer une pétition pour demander la révision du cahier des charges d’avril 1942. En mai 1970, la Direction Départementale de l’Equipement de la Gironde apporte de nouveaux éléments permettant d’espérer le déblocage de la situation en annonçant un changement dans le plan d’urbanisme approuvé le 16 décembre 1969. Malheureusement, les lenteurs administratives sont telles que ce n’est qu’en février 1976 que le la ville de Pessac annonce que l’étude du POS sera arrêtée courant 1977. Sept ans après, la situation n’ayant toujours pas évolué, le syndicat de quartier continuait à reposer inlassablement la même question : où en est la révision du POS ?

    La situation a été définitivement réglée par un arrêté préfectoral signé le 20 février 1985.

    Il aura fallu quarante ans de combats pour régulariser la situation des habitants du lotissement jardin de Romainville !